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Un escargot dans les jardins d'hibiscus

Au Burkina Faso comme un escargot : toutes antennes dehors, le monde en sac à dos

La politique du rire

Un équilibre social transmis dès l'enfance, ça laisse à réfléchir...

Un équilibre social transmis dès l'enfance, ça laisse à réfléchir...

Ou « Faire le fou pour ne pas le devenir ».

La politique, on peut décider de la sérieuser. Sclérosée, elle s’envenime et emporte les Hommes, ses cellules constitutives, dans son agonie aigrie de frustrations, cocktail létal empreint de politesses. Une bienséance qui se clôt en courbettes, lesquelles s’avoue bien vite vaincues de corruptions discrètes. Dans une contrée pas si lointaine pourtant, oubliée à tort de l’éducation occidentale, il existe un système qui se rit des conventionnelles diplomaties. Une thérapie par le sourire qui a elle seule anéanti bien des conflits. Le Burkina Faso et ses parentés à plaisanteries, mister lecteur, en soupçonne tu seulement l’efficacité ?

Le Burkina Faso. Ex-colonie française, ex-Haute-Volta, ex-bastion du « président » Blaise Comparoré. Ah, oui, pour un pays situé dans pareille zone d’Afrique de l’Ouest, il convient de se présenter d’abord par ce que l’on est plus, oui c’est ainsi. Et pourtant, le Burkina Faso. Nation pleine de nationalistes qui n’y étaient pas destinés. Dans un état taillé à la hache aveuglément par une bande de colons, on trouve partout quelqu’un pour dire qu’il soutient son pays, qu’il travaille à honorer sa fierté, à dorer son blason, à porter ses couleurs, à par sa volonté le faire tenir debout. Le Burkina Faso, c’est une soixantaine d’ethnies qui cohabitent sans animosité, qui marchent pour un seul pays, bien jeune pays. Entouré par ses frères dont la même histoire a induit et entretien encore les haines entre les ethnies, au Burkina Faso, point de guerres, point de regards de travers pour qui ne parle pas ta langue. Mossies, samos, gourmanchémas ou peuls se croisent, se saluent, se côtoient, parfois partagent un toit, sans qu’il soit nul question de s’armer de flèches et de carquois. Comment, pourquoi, en quel honneur ? Parce que chez eux, on préfère s’armer de bonne humeur. Qu’il fasse faim, qu’il fasse chaud, qu’il fasse peur, toujours, tout ira bien. On se colle un sourire, on relativise, et on fait confiance à ses traditions.

En effet bien avant que ne n’arrive « nassara », le blanc, bien au deçà déjà, existait dans le coin une politique du rire ; la parenté à plaisanterie. Rien de plus simple. Un enchevêtrement de connivences, liant une ethnie à une autre. Chacun dès son enfance connait ses « parents à plaisanterie », et il est prévenu des principales règles charpentant ce jeu diplomatique. D’une part, rencontrer son « parent » autorise à toutes les sortes de moqueries à son encontre. Il devient son esclave, un idiot, une malpropre, la disgrâce faite humaine, on lui invente tous les défauts, on en rajoute une couche, un grand sourire aux lèvres, on se rit de ses maux, tout est permis ! D’autre part, pour sa part, on ne peut se vexer. On peut surenchérir, même se sentir touché, mais jamais au sérieux, ça n’est qu’une plaisanterie. Partant de ces principes, les samos les moossies, les peuls les forgerons, tel village et tel autre, une myriade de ces couples se raillent sans merci. Quel intérêt, demanderez vous ? Charmante anecdote culturelle, mais quelle politique là ? Et je vous répondrai que ces innocentes blagues constituent le ciment de la paix du pays. Et oui. Différent de nos mœurs, qui ricanise le rire ! Ici on utilise l’humour pour passer les messages. A travers de bons mots, de franches déconnades, rien n’interdit de glisser ça et là une ou deux vérités. Parmi les fausses critiques s’insèrent les sincères, celles qui visent à pointer du doigt un problème. Si friction il y avait entre parents à plaisanterie, le conflit disparait, dégoupillé dans l’œuf. Car toute bonne blague invite à se remettre en question. Le burkinabé lambda à qui vous demanderez se fera un plaisir de vous l’expliquer. Se faire moquer, libérer des critiques permet au critiqué, en partageant le rire, de reconnaître ses torts. Et la vie continue. On fait plus attention, on évite de tomber dans les pièges, tout en gardant un œil alerte sur les défauts de ses parents à plaisanterie.

Et cela va plus loin, jusque dans l’au-delà. La mort, ce monstre sacré… Par delà les continents, plutôt que de s’apitoyer sur les moisissures verrées du corps d’un aïeul, devinez quoi ? On joue encore de parenté à plaisanterie pour dédramatiser le drame. Être en pleines funérailles n’a jamais empêcher qu’on raille ! Juste après l’oraison du prêtre, vous verrez débouler en trombe une bande de joyeux « parents », armés de leurs meilleures blagues et pour la plus grande joie des « spectateurs ». Un crime politique a été commis ? Un corbillard discret transporte le corps d’un martyr que l’on voudrait faire oublier ? Que nenni. Sans plus tarder, la foule de parents du défunt accourt, plaisante, bloque le convoie, demande de l’argent, des présents, demandent ce que bon leur semble puisqu’ils sont en droit ! Et fait parler la voix du peuple, sans haine et sans violence.
La parenté à plaisanterie, cette tradition ciment de toute une paix, serait il envisageable d’en exporter l’idée outre Afrique ?

Cela dit, exhibé, tartiné comme on présente niaisement son admiration béate, il est notable que, évidement, rien n’est si lisse qu’il n’y parait. Ce système de parentés à plaisanterie ne peut rien par exemple pour endiguer les quelque atrocités intra-ethniques. Mais il faut remarquer qu’en tant que blanche, jeune, un peu hippie, travaillant pour une association de développement local, je porte sur ma face un tas de représentations qui m'excluent de certaines nuances de discours. Ma volonté profonde de briser les clichés peut me pousser à ne sélectionner que les beaux côtés, je vous prie d’excuser ma grande partialité.

Pour plus d’informations sur le sujet, quelques uns des nombreux articles qui traitent du sujet suivent cette longue phrase, rien ne vous interdit s’y jeter un coup d’œil, voir même d’aller plus loin encore que ce « plus lois », et qui sait, peut-être prendre ses ailes et sa culotte et voyager, histoire de vérifier !

http://lefaso.net/spip.php?article35325

http://fr.allafrica.com/stories/201411280794.html

http://www.afrik.com/article7095.html

http://biblio.critaoi.auf.org/39/01/Microsoft_Word_-_Article-association_transnationale.pdf

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H
Du plaisir à te lire ! Bravo Colette pour toutes ces réflexions qui nous rappellent le bien vivre ensemble, la volonté d'ecouter et de comprendre l'autre. Continue !
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